Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/194

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vaches… Tu te lèverais dès l’aurore, et par conséquent tu dormirais la nuit et ne ferais pas de vilains rêves…

— En effet, dit Laure, se croisant les bras comme pour enfermer son cœur et le défendre à jamais contre les vertueuses tentatives des honnêtes gens.

— Voyons, chérie, j’ai raison, je te parle comme un véritable ami. La jeunesse ne dure pas… et tu ne dois pas, toi, la fille d’un notaire, te retrouver un matin sur le trottoir…

Il se leva, fit quelques tours dans la chambre, mit la bougie derrière les rideaux du lit pour qu’on n’aperçût pas les ombres chinoises dont ils auraient probablement l’occasion, elle et lui, d’orner les vitres de la fenêtre ; puis, vérifiant, en chemin, un renseignement sur son indicateur, il revint s’asseoir à côté d’elle.

— Si tu me répondais, petite boudeuse.

Il glissa sa main dans son corsage, sortit avec précaution les deux seins éblouissants de cette brune qui, malgré sa mauvaise conduite, était le plus bel instrument de plaisir qu’on pût désirer, surtout à la veille d’un long jeûne.

Laure, les bras tombés, passive, souriait ; seulement son sourire ressemblait un peu au rictus de tigresse, à une idée vague de mordre.

— Je t’en prie, mon cher Henri, ne t’occupe pas de mon père. Cela me fâcherait… laissons mon avenir tranquille… Tu es trop bon.