Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/248

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— Mais, mon jeune ami, je n’ai pas l’habitude de recevoir à cette heure-ci, et je vous conseille de reprendre le chemin du toit… à moins que vous ne préfériez passer par la fenêtre.

L’aventure devenait tellement formidable pour un homme de sang-froid qu’il se sentait désarmé.

— Monsieur, continua-t-il, s’adressant à Laure, est-il couvreur ou fumiste ?

— C’est mon amant ! répondit-elle avec une effrayante tranquillité.

Elle était si pâle, si résolue, qu’il n’eut plus envie de sourire : il avait compris.

— Ça, ton amant ? s’exclama-t-il, en levant le bras prêt à la souffleter.

L’adolescent, les deux poings réunis sur la poitrine, ne le lâchait point du regard.

— Misérable ! Oh ! la misérable ! répéta Henri tout livide, marchant vers elle.

Laure se trouvait devant la grande glace de sa chambre, et, en s’approchant d’elle, il aperçut sa face bouleversée, en dessus de son épaule, il ne se reconnut pas. C’était lui, cet homme calme qui allait frapper une femme… et une gueuse qu’il n’avait jamais aimée… La frapper parce qu’elle était folle… C’était lui, ce visage blême, cette bouche écumeuse ! Allons donc ! Subitement, sa colère s’éteignit. Il s’était juré de ne jamais être ridicule, et il convenait de terminer cette horrible farce par un acte de courtoisie, du fin scepticisme tiré du plus profond de son être si remarquablement bien élevé.