Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/312

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Elle fouilla la chambre du regard, s’abritant les yeux de sa main à cause du soleil qui incendiait à présent les vitrages, l’aperçut planté, debout, dans les coussins, et resta pétrifiée : ce qu’elle voyait était étrangement terrible.

Lion, méconnaissable, la fourrure souillée, les prunelles sanglantes, la gueule baveuse, si maigre qu’il était comme grandi par la sveltesse fantastique de son corps, la contemplait fixement en mâchant à vide. Il agitait les crocs d’un lent et machinal mouvement de déglutition, un tic d’animal fou en train de dévorer une proie invisible, et sa queue fouettait ses flancs creusés à coups furieux, se tordant avec des violences de serpent irrité, de long serpent noir et jaune. Ses oreilles, rabattues en arrière, donnaient à sa tête une affreuse expression de convoitise bestiale, ses yeux semblaient jaillir des orbites, tantôt couleur de rubis, lançant des jets de feu, tantôt couleur d’émeraude, luisants comme le reflet d’une eau phosphorée, si brillants et si traîtres, dans leur ondoiement de moire, que Laure, fascinée, demeurait immobile, toute baignée de sueur, craignant instinctivement de les perdre de vue.

— Mimi ! mon cher Mimi ! Est-ce que tu ne me reconnais pas ? Je n’ose pas te reconnaître, moi non plus ! Qu’as-tu donc ? Tu es malade ? Quelqu’un t’a blessé ?… On t’a poursuivi, hein ?…

Lion miaula une seconde fois. Il rugit d’une voix rauque, stridente, expirant dans une sorte de san-