Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/62

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Il arracha une graminée, une espèce de folle avoine, qu’il suça.

— Moi, je ne dis rien, je travaille… Il faut travailler pour passer le temps, quand on s’ennuie.

Il bottela son paquet de mauvaises herbes, puis s’étendit en lézard sur le sentier, lui barrant la route. D’un geste lent, il s’amusait maintenant à promener sa folle avoine dans les jambes de Laure, s’arrêtant au genou et redescendant jusqu’à la cheville, ne soufflant mot. Pour se sauver, il fallait franchir ce corps étendu, elle n’en eut pas le courage.

— Marcou, laisse-moi donc tranquille. Si je le disais à mes parents.

Elle lui donna un léger coup de pied.

— Tu ne leur diras pas, Laure, répondit tout bas Marcou.

— Je suis trop une demoiselle, j’ai fait ma première communion.

Une brise s’éleva qui répandit les parfums du jardinet. Laure sentait son front s’alourdir. La tête de Marcou attirait la sienne. Dans ce pur silence des roses, au milieu de ce petit Eden, elle jeta cette phrase épouvantable comme on jetterait une ordure sur un encensoir :

— Non, vois-tu, Marcou, j’ai peur d’avoir un enfant.

— T’es bête, Laure, ce n’est pas à jouer que les enfants s’attrapent.

— Tu crois ?