Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/78

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que je ne rencontrerai pas d’homme qui veuille de moi. Alors, il faudra que j’entre dans un couvent, peut-être !… Ça les ennuie.

Elle se dirigea vers la porte.

— Je vous remercie, monsieur, lui dit-elle humblement, et pardonnez-moi : je n’ai pas réfléchi que ce n’était pas convenable…

Elle chercha la clef, l’agita un instant dans la serrure. L’abbé se précipita, très ému :

— J’avais glissé le verrou, balbutia-t-il, car je craignais les curieux.

Et il s’effaça pour la laisser passer. Elle s’en alla, se traînant comme un oiseau blessé et s’appuyant sur toutes les chaises de l’église. Quand elle eut atteint le porche, l’abbé, qui la suivait du regard, sentit un frisson lui glacer les membres. Elle pouvait tomber victime d’une seconde attaque, se briser le crâne, malgré l’épaisseur de ses cheveux. Était-ce bête, cette soutane qui l’empêchait d’offrir son bras aux femmes malades !

La charité doit, nécessairement, revêtir, en certaines circonstances, les allures mondaines… ou ce n’est plus la charité !

Quand les portes matelassées se refermèrent avec un bruit profond, il respira. Sa philosophie reprit le dessus. Après tout, il l’avait échappé belle. Le sacristain ne saurait rien de ce pénible accident, les enfants de chœur, toujours si dépravés, ne le commenteraient pas… Évitons de donner prise aux médisances… À son tour, il sortit de l’église,