Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/79

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

oubliant de s’incliner devant l’autel, selon la coutume sacrée, parce qu’il était seul.

Le lendemain, l’abbé de Bréville se rendit chez le notaire.

Il remercia madame Lordès pour l’angélique et s’informa, d’un ton détaché, de la santé de mademoiselle Laure. Celle-ci vint apporter des biscuits, des liqueurs, la bouche rieuse, les yeux sombres, très cernés. Elle parla peu, mais quand le prêtre se retira, elle l’accompagna jusqu’au perron, et, au moment des dernières salutations, elle posa, en le regardant fixement, un doigt sur son sourire. Il répondit à ce signe d’intelligence par un clin de paupière discret. Non, bien entendu, il ne voulait pas la trahir, cette enfant si soucieuse de la dignité de ses parents, mais il regrettait beaucoup ce petit secret entre eux deux ; lorsqu’il la confesserait, il serait gêné ou maladroit.

De son côté, Laure se demandait s’il la devinerait un jour : Pourvu qu’il me comprenne, pensait-elle s’exaspérant ; nous ferions un joli couple ! Ah ! ce sera long !… j’en ai peur. Que d’obstacles, mon Dieu, à franchir ! Elle avait la confession, les visites aux chapelles, et puis ?… Où irait-elle de ce train-là, s’il demeurait incorruptible ? Il devait être froid, elle le supposait, rien qu’à se souvenir des soins qu’il lui avait donnés. S’il la croyait innocente, il se garerait des tentations ; s’il la croyait pervertie, peut-être s’en éloignerait-il par dédain, et Laure établissait ses calculs tout en comptant les points