Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/136

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Je restai longtemps à cette fenêtre. Ce bain d’air pur fit beaucoup de bien à ma pauvre tête. Des ablutions d’eau glacée achevèrent de me donner une nouvelle vigueur.

En me coiffant, je me regardai attentivement dans mon miroir. Je n’avais jamais eu la moindre coquetterie, je pensais avoir un visage comme tout le monde. Il était donc bien vrai que Dieu m’avait fait le don funeste de la beauté !

À cet instant, où la souffrance, contrainte, devait altérer mes traits, ils gardaient encore leur expression régulière et douce. Mes yeux étaient aussi grands ; leur nuance était plus sombre et les rendait plus attachants. Mes lèvres gardaient leur chaud coloris, mon teint sa mate blancheur ; mes formes demeuraient aussi harmonieuses, aussi sveltes. Tout cela était de ces choses parfaitement insignifiantes au cœur, mais elle alimentaient la passion, et tout cela ne pourrait se détériorer que par le temps.

Je fis une toilette aussi simple que possible. Mon deuil, du reste, prêtait à la simplicité. Je regrettais seulement que le noir m’allât si bien.