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Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/135

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allait faire une véritable journée de printemps, en plein hiver ; les froides brumes du matin s’étaient dissipées, laissant des gouttelettes scintillantes, suspendues à tous les brins d’herbe, à toutes les branches d’arbre. Ces mille petits regards limpides semblaient me dire : « Vois ! nous sommes des larmes, mais cela ne nous empêche pas de briller ! »

Le soleil, en glissant sur mes joues ses tièdes rayons, comme de bons baisers paternels, me disait : « Ellen, tu vois, je suis pâle ; je n’ai pas ma jeune chaleur de l’été, mais je fais encore sourire la terre ; il te faut sourire aussi. »

Le ciel, à peine bleu, ajoutait : « J’ai pourtant trouvé le moyen de redevenir pur. Demain j’aurai des nuages peut-être ; que t’importe, si je te parais radieux aujourd’hui ! »

Oh ! pensais-je, n’y a-t-il plus de tranquillité pour moi ? Serai-je la seule créature qui n’a point de repos en ce monde ? Ne pourrai-je faire cesser les affreuses palpitations de mon pauvre cœur ? Je le sens se débattre dans ma poitrine, ainsi qu’un malheureux oiseau blessé.