Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/232

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— Laisse-moi, s’écria-t-il, laisse-moi, ou je vais devenir fou !

Elle se mit à rire d’un rire navrant.

— Fou d’amour ! n’est-ce pas ? Tu te souviens de la réponse que tu m’as faite, une nuit, quand je t’ai demandé si tu ne m’aimais pas !… Alors, tu étais un pauvre ouvrier, moi j’étais une belle jeune fille. Tu n’avais rien, moi, j’avais tout !… Je t’ai tout donné, cette nuit-là. Tu m’as tout pris et tu me rends aujourd’hui, en échange de mon aveugle affection, des injures et du dédain !

Il y eut un moment de mortel silence. Je tendis les bras à la malheureuse enfant.

— Madge !… Oh ! ne me crois pas coupable ! J’ai fait tout au monde pour m’éloigner de lui !

Elle me regarda avec un triste sourire.

— Je le sais, Ellen, tu as dû cruellement souffrir, car tu es honnête. Mais si j’ai commis une grande faute, tu peux me la pardonner. Je l’expie à cause de toi… Le désespoir qui va me tuer purifiera toute mon existence !

Elle jeta ses bras autour du cou de son mari ; sa tête pâle se pencha en arrière.