Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/248

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de ma chaise longue ayant la peur folle de rencontrer cet homme ou sur la pelouse ou dans les bureaux. Un samedi soir il ajouta à sa réponse quotidienne un billet tout aussi laconique : « Mistress Veedil veut-elle me recevoir un instant ? Il faut que je lui parle. »

Ce soir-là, je m’en souviens bien, j’étais si souffrante que je ne me sentais pas la volonté de refuser cette dernière visite, je devinais que ce devait être sûrement la dernière. Je ne descendis pas au salon, je l’attendis, inerte, au milieu de mes oreillers, le cœur rempli d’une telle angoisse que je me croyais proche de ma mort. Il faisait un temps un peu plus froid, plein de brouillards, et le vent pleurait par les fentes des fenêtres. Je songeais en tremblant à la cruelle Banhsée des légendes écossaises, les spectres des trépassées amoureuses se lamentant dans les glaciales brises d’octobre et heurtant leurs mains décharnées pour applaudir à l’on ne savait quelle triomphante vengeance. Lorsque James monta les marches du perron, il me sembla qu’une tête se fracassait encore sur l’angle de la pierre fatale.

Le meurtrier rentrait donc chez nous ! Il