Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/250

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une orpheline toute craintive, près de recevoir un maître inconnu qui va changer tout d’un coup sa destinée. Mon cœur battait de plus en plus fort, je retombai dans les coussins de ma chaise, n’osant pas envisager ce bourreau.

Je ne m’expliquais plus ce qu’il fallait maudire. Était-ce sa présence ? Était-ce le trouble extraordinaire qui bouleversait tous mes sens ? Oui, j’avais tort de recevoir James, le séducteur de ma pauvre sœur bien-aimée, dans mon intimité de malade. J’aurais dû descendre au salon. Ce n’était point convenable, à cette heure avancée. Le feu flambait gaîment, le lit était préparé, les plis lourds des rideaux massés contre les vitres obstruaient la bise glacée du dehors, la bise peuplée de fantômes, et il eût été utile que ces fantômes, en écoutant aux croisées me rappelassent à tous mes devoirs de juge sans pitié. Pour la première fois, oui, j’avais tort. Qu’allions-nous nous dire ? L’enfant ! Il n’avait qu’à le prendre… moi, je me trouvais toujours de trop entre le père et le fils. Il voulait, à ce que prétendaient les ouvriers, s’embarquer pour l’Amérique, il avait une vaste affaire, là-bas, une autre usine à