Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/264

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pauvre. Mon père et ma mère vivaient en un pays qu’on appelle le grand monde, dont le chef-lieu était Paris ; de temps en temps ils écrivaient à Mie Cathe pour s’informer de ma santé, envoyer une montre ou des foulards au pauvre cousin, et, dans ce fond de Berri très ignoré, nous étions heureux comme des gens sagement endormis.

Ah ! une bonne vieille nourrice, c’est plus qu’une mère, je crois, qu’une mère qui ne vous a pas nourri. Après le bon Dieu, il y a le lait, et, devant cette chose exquise, tous les hommes sont égaux. Mon précepteur écoutait Mie Cathe avec un respect silencieux ; moi, je l’adorais.

Elle racontait des histoires, l’été, à l’ombre des tilleuls, en tricotant ; l’hiver, près du feu, en raccommodant ce qu’elle avait tricoté l’été.

Vînt le vent de n’importe où, elle m’inculquait la même morale : « Ne déchire pas tes pantalons ! » et mon précepteur d’ajouter : « Trahit sua quemque voluptas !… »

Un soir de janvier, dans notre grande cuisine, emplie des roses lueurs du foyer, Mie