Page:Rachilde - L’Homme roux, suivi de La Fille de neige, 1888.djvu/58

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— Mistress, est-ce que vous avez le droit de me renvoyer ?

— Non, mais je vous renvoie au nom de mon mari ; vous savez que je puis m’autoriser de son nom en son absence.

Il se baissa, prit à mes pieds une tige de fer creux dont la cour était jonchée par place, il la réduisit en débris sous ses doigts, puis, il éclata de rire, me tourna le dos et disparut. Ce fut, à cet instant, que je me maudis d’être une femme.

Au milieu de cette usine, de ces ouvriers aux visages rébarbatifs, je n’étais pas la maîtresse, j’étais à la merci de cet homme qui, tout vulgaire qu’il se trouvait, outrageait la femme, la belle-sœur de son patron, dirigeait l’usine sans contrôle, traitait d’imbécile un gentleman docteur, et tout cela aussi facilement qu’il émiettait le fer, parce qu’il avait pour lui l’audace et la force brutale…

Je n’avais qu’à attendre mon mari, si mon mari voulait bien m’aider, car je craignais son naturel, qui était aussi faible que sa santé. Il se produisit un incident curieux quand, au retour d’Edgard, je lui confiai, devant ma