Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/13

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quement. J’ai rêvé d’avoir des maladies classables, peu graves, de ces petites maladies mondaines, menue monnaie de la mort : fièvre, bronchite, simple rhume, et je n’ai pas obtenu cette faveur d’être assez atteint pour entrevoir la destruction prochaine. La torture cérébrale qui s’érige de cette puissance à ne pas pouvoir souffrir comme tout le monde est terrible. Je suis inquiet de ma santé parce qu’elle est bonne. J’ai peur de tout et quelquefois je me jette dans n’importe quel danger pour me braver moi-même, me combattre à outrance. Cela m’humilie d’être oublié par la douleur, l’humaine et saine douleur physique qui expurge et déifie l’âme. J’ai rencontré des crétins qui m’ont dit, me serrant les poignets avec admiration :

— Mon cher, je vous félicite… mais attendons la vieillesse.

La vieillesse est une chose normale. Ses infirmités seront normales pour l’être privilégié qui n’a pas été entamé avant le temps. Je sais déjà que mes cheveux blanchiront et qu’ils ne tomberont pas. Mes dents resteront intactes jusqu’au soir où elles s’en iront sans violence comme elles sont venues.