Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/14

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Je n’espère ni rhumatisme, ni goutte, ni affection cardiaque, ma famille me privant de ces hérédités fâcheuses. Ils sont solides mes parents. Ceux qui sont morts ont eu des trépas naturels, se sont éteints doucement, ou sont partis jeunes en dormant, sans savoir.

Et c’est pour ces causes que je suis doué de la nostalgie de la souffrance. J’aspire à souffrir nerveusement, à fleur de peau, de toutes les forces de ma belle santé physique. Je m’invente des maux imaginaires. J’abuse de ma pâleur pour me dire délicat ou faible de la poitrine, et mon éréthisme perpétuel me sert à simuler les plus compliquées des névroses. Des médecins m’ont prédit successivement l’ataxie, la paralysie, ou la folie. Je n’arrive à rien et… j’ai peur !

En dépassant le seuil de mon cabinet de toilette, un frisson me secoue. Le buste d’ivoire sort tout à fait des tentures, la petite Cléopâtre est éclairée brutalement par ma bougie. Elle brille. C’est un fanal bien mieux qu’une figure, et il est sinistre, ce fanal d’amour. C’est une gueule de bête blanche et pourrie. L’angle du front est prolongé par une ombre, l’ombre d’un clou. Pourquoi ce