Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/15

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clou ? Les clous qui ne suspendent rien vous pénètrent dans le cerveau. Je réfléchis et me rappelle que mon domestique a eu l’idée de retenir le petit buste, très léger, par un fil parce qu’il avançait tout seul chaque fois qu’on fermait les portes. Je bénis le clou. Je n’aimerais pas en ce moment voir s’avancer les choses toutes seules.

Enfin, allons-nous-en ! Mon pardessus. Un cigare. Non. Je mords. Le frisson a fait le tour de ma vaillance. Je suis ému de m’en aller vers elle sans la connaître. Je tâte mes poches. J’ai de l’argent et c’est vulgaire, puis aussi ma clé : j’enferme ma volonté dehors, je la pousse aux abîmes. Je veux sortir, je veux ma liberté tout de suite. Je sors et me regarde marcher dans le noir des escaliers. Un étage file sous mes plantes comme un velours qui se déroule. Je foule des étoffes profondes et molles à l’infini. La vulgarité de ma fugue se dissout dans un désir de beauté, d’orgueil. J’ai la cervelle à trois mètres au-dessus de mon chapeau et elle m’évente à coups d’ailes, comme un oiseau blanc au milieu de la pleine nuit de mon chemin.