Page:Rachilde - L’heure sexuelle, 1900.djvu/178

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— Je pouvais pas suffire à ces garçons de la forge. Ils étaient sept après moi tous les soirs.

Je réponds, philosophiquement.

— En effet.

Silence. Crépuscule. Un oiseau chante.

— C’est doux comme du lait à boire, la campagne, murmure-t-elle de sa voix sourde, si dure.

J’entoure sa taille de mon bras et nous cherchons une auberge, pour dîner.

Un instant, sous des branches fleuries, des branches de pruniers qui sentent l’amande, elle tressaille :

— J’ai vu un crapaud, tiens, là. Il va sauter.

— Si tu levais la tête, tu ne verrais que des fleurs. Pourquoi marches-tu la tête basse ?

Elle lève le front, rencontre le mien, penché sur elle.

Nous nous regardons, éperdument effrayés l’un de l’autre, sans un geste.

— Eh bien, quoi ! fait-elle de son ton sourd, impatient. Quand nous resterions là toute la vie, à nous pourrir…