Page:Rachilde - La Découverte de l’Amérique, 1919.djvu/209

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Je pourrais vous faire un portrait de mon père, mais cela ne vous avancerait pas beaucoup parce que les idées sur les hommes ont changé depuis 1875, époque à laquelle se place mon aventure. Je me contenterai de vous dire qu’ancien officier de l’armée d’Afrique, il proposait souvent le pari, qu’il gagnait toujours, de regarder le soleil en face sans ciller durant dix minutes ou de faire cuire un œuf à la coque dans sa main fermée. Cela vous donnera une facultative appréciation de sa mentalité : vous le prendrez tour à tour pour un aigle ou un aveugle-né sinon pour un de ces enfants terribles qui ne songent qu’à jouer à la main chaude sur le dos de ses voisins… Pour moi, garçon de seize ans un peu maigre, j’en avais une peur bleue, malgré l’orgueil qu’il m’inspirait et je pâlissais à la pensée de le contrarier mais j’étais porté à discuter ses ordres justement parce que je me sentais son fils ! Il me cherchait d’ailleurs noise à tout propos, se moquant de