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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/123

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qu’il a laissé en moi. Je suis, je resterai peut-être toujours son humble servante, ou la vôtre. Comment m’y prendrai-je pour être votre maîtresse ? Que vous offrirai-je qui ne lui aura point appartenu ? (Éliante s’agenouillant présenta au jeune homme une statuette d’ivoire, une petite idole nue et droite de lignes, les coudes en angle, les deux mains jointes réunies à l’endroit précis du sexe.) Voici une psyché de la race jaune, Tchun-meï, celle qui attend le monstre pour en être torturée, et ce monstre est un dragon merveilleux aux ailes d’escarboucles, possédant trois têtes. Elle mourra la nuit de ses noces. Regardez comme la pauvre petite est pure, maigre, enfant, comme elle entr’ouvre naïvement ses mains sur le seuil de son sanctuaire d’amour, imitant, malgré sa naïveté de vierge, la forme du cher objet qu’elle veut dérober au monstre ! Et ses doigts, longs fuselés, armés pourtant de griffes, d’ongles aussi longs fuselés que ses doigts, ne lui servent à rien qu’à se trahir le plus pitoyablement du monde ! (Léon Reille se pencha, intéressé. L’idole était, en effet, ravissante, pas très exotique parce que très nue, et sa coiffure compliquée, son seul vêtement de cérémonie, une série d’épingles et de fleurs de jasmin, l’ornait d’un nimbe de sainte chrétienne.) Mais,