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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/122

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était véritablement chez elle, idole elle-même, s’exaltant à toucher des idoles.

— Écoutez-moi, Léon, soupira-t-elle d’un ton de prière, et ne vous fâchez pas, l’amour me fait peur quand il est vrai, et l’amour est toujours sincère quand il jaillit de tous nos instincts. Nous aimons uniquement de tant de manières différentes ! Peu importe les spirituelles phrases qu’on prononce, il y a toutes les gammes dans la raillerie, et cela se termine par les accords les plus parfaits. Lorsque le dieu passe sur nous, à feindre l’amour on aime, et à aimer on s’exaspère de ne pas aimer davantage. On arrive au crime facilement, logiquement. C’est un chemin de roses qui se dépouille, en montant vers les sommets, de toutes ses fleurs. Les pieds saignent bientôt sur les cailloux, se déchirent aux ronces enchevêtrées. Il n’est plus de limite à qui veut monter vers la passion, et qui ne s’arrête pas en route devient fou. J’ignore si je suis encore une femme qu’on puisse respecter ; cependant j’espère, j’ose espérer, que vous m’aimerez mieux que mon mari a su, ou voulu m’aimer. Ce sera la même chose, meilleure, plus pure, plus près du dieu. Henri Donalger était par excellence l’homme, je vous désire le héros. Non, je n’ai pas aimé mon mari, c’est seulement aujourd’hui que je le redoute pour vous, car il n’est plus que ce