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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/13

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I

Cette femme laissait traîner sa robe derrière elle comme on peut laisser traîner sa vie quand on est reine. (Il est de ces créatures tellement certaines qu’un tapis se déroulera sous leurs pieds !) Elle quittait la salle flambante, emportant sa nuit, toute drapée d’une ombre épaisse, d’un mystère d’apparence impénétrable montant jusqu’au cou et lui serrant la gorge à l’étrangler. Elle faisait de menus pas, et la queue d’étoffe noire, ample, souple, s’étalant en éventail, roulait une vague autour d’elle, ondulait, formant les mêmes cercles moirés que l’on voit se former dans une eau profonde, le soir, après la chute d’un corps. Elle marchait la tête droite, les yeux baissés, les bras tombés, l’air pas jeune, car elle demeurait grave, et ce qui sortait de son enveloppe funèbre semblait très artificiel : une face de