Aller au contenu

Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étiez, toujours se balançant, finit par tourner, les plis des longs voiles, ceux des robes noires, se confondirent dans une fumée plus noire, plus épaisse, la nuit du monde entier tournait avec vous en giration de trombe, et elle aspirait les nuages, diluait la terre. Je pensais : « Si je tirais un coup de revolver au bas de cette colonne, simplement à poudre, un coup de pistolet d’enfant, elle s’effondrerait parce qu’il est entendu dans les voyages maritimes qu’un coup de canon tiré à la base d’une trombe la fait se résoudre en une salutaire petite pluie. » Seulement je n’avais sous la main aucun revolver ni pistolet d’enfant propre à réduire l’importance féminine. Il me fallait souffrir jusqu’au mal de cœur, jusqu’à vomir mon âme et son superflu, de vous voir me jouer la comédie de la colonne… Mon Dieu, Madame, que je souffrais donc inutilement ! et voici que, fatigué de tourner, votre visage de cire se manifesta plus humain, vos yeux eurent des pitiés charmantes, mais vous étiez très loin, car vous sembliez diminuer dans un recul immense. Et un moment vous fûtes femme, d’une hauteur normale, grande comme une poupée. Pourtant vous me paraissiez vous en aller de moi, vous en aller même du monde, car vous aviez vos petits pieds distinctement posés sur la déclivité du