Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

m’endors la bouche salée de mon chagrin. J’ai beau en sourire et le dévorer silencieusement toute la journée… toute la nuit… Au matin, il est le même… avec cette différence qu’il augmente, imitant les bonbons, le sucre en moins !

De ma fenêtre, Éliante, je vois un décor funèbre plus déroulant que la concession perpétuelle. J’ai laissé tomber ma plume tout à l’heure pour m’aller chercher un mouchoir, parce que j’avais l’envie très prosaïque de me moucher, et j’ai regardé dehors. Je t’ai dit que je logeais au cinquième ? Eh bien, je vois d’ici le Luxembourg, et cela me donne l’exacte reproduction d’un parc abandonné, un parc très ancien que j’ai déjà contemplé au Louvre dans une galerie de vieux paysages. Les arbres sont Louis XIV, car les arbres ont des styles, donc la nature est une truqueuse, les bassins et les escaliers de marbre se comblent, encombrés de feuilles sèches, le ciel est si noir, tout autour de la lividité des terrasses, qu’on y devine des choses plus noires encore ; j’aperçois, derrière le groupe de la Maternité, une femme qui marche, plus grande que le groupe, plus obscure que les reines du fond et plus vague que de la poussière soulevée par le vent.

La femme est bien dans le paysage Louis XIV,