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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/160

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Tout un poème cette manière d’ôter ses gants ! Elle tirait très lentement le bout de ses doigts noirs, semblant se caresser les mains, se faire les ongles comme un grand chat qui prépare une expédition lointaine, et elle descendait la peau souple le long de son bras par petites saccades nerveuses, ayant la mine des félins qui écorchent les souris avant de les manger. Quand ses bras, ses mains se trouvèrent complètement nus, elle tordit les gants, les posa derrière elle, secoua prestement ses doigts libres, et on eut la sensation d’être en présence d’une femme… tellement elle venait d’éveiller par ce déshabillage réduit l’idée de la chair.

Alors la valse murmura, en sourdine, laissant vibrer la seule harpe amoureuse. Éliante s’empara de tous les couteaux, les lança d’un mouvement cadencé, les rattrapa en vol successivement, les faisant tourner plus haut, en diadème de flammes bleues, au-dessus de son front. Elle jonglait très simplement, mais très réellement, avec des couteaux lourds, bien coupants, et, ce qui aurait paru très ordinaire pour une artiste des Folies-Bergères ou de l’Olympia semblait formidable pour une mondaine.

Elle souriait toujours en suivant du regard ses couteaux flamboyants, et son regard, sous le