Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/159

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— Silence donc ! cria Léon Reille, frémissant d’une angoisse impossible à déguiser, celle-là.

Missie lui donna un coup d’éventail malicieux. Éliante s’avança du côté de la table, salua, et tout le monde se tut, parce que le geste était grave comme un salut de bretteur. Il y avait là des gamins et des gamines, à peine deux ou trois hommes sérieux, mais on aurait entendu, maintenant, une mouche expirer dans le lait des tentures.

Mme Donalger se tenait droite de la nuque aux talons comme une statue, les seins bombant fort peu le maillot, la hanche attachée haut, permettant, sans faux mouvement, une allure presque masculine.

Léon l’admirait à en souffrir. Est-ce qu’elle allait torturer tout le monde à la fois ? Ce serait intolérable ! Il irait lui arracher son masque pour leur prouver à tous qu’elle ressemblait aux petites poupées de cire, aux petites idoles d’ivoire ? Est-ce qu’elle allait jongler avec ça devant eux ! Non ! il ne le permettrait pas !…

Elle prit, sur la table, un couteau poignard à manche d’ébène, le jeta en l’air et le laissa tomber par terre, où il s’enfonça, demeura tremblant, sa lame d’acier lançant des reflets bleus, puis elle en prit un autre, le fit sauter, le rattrapa, en essaya la pointe sur son index, enfin se déganta…