Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/20

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L’homme tremblait de rage.

C’était un tel désir de la rejoindre, une poussée si brutale de son instinct, qu’il fit encore plusieurs pas malgré lui ; il plongea ses souliers vernis dans une flaque de boue, atteignit la portière, posa la main sur la poignée, bien décidé à empêcher l’horrible boîte de se refermer, de lui ravir son joujou.

À ce moment précis, l’homme était double, voulait, d’une part, frénétiquement la regarder encore et, d’autre part, se traitait mentalement d’imbécile, supposant qu’elle allait lui donner quelque monnaie, comme on en donne aux voyous qui courent aux portières.

La femme écarta la soierie voilant sa bouche, sa drôle de bouche entre parenthèses, et elle demanda, tout naturellement :

— Voudriez-vous monter, cher Monsieur ?

S’il voulait monter ? Grands dieux ! Son instinct fut seul à répondre. Il bondit, se blottit dans les soies sombres, éparpilla les feux d’orient, ravagea, de ses pieds boueux, la mousse des dessous, s’assit et eut un geste de stupeur, un nouveau :

— Pardon Madame ! les dents serrées.

— Oui, oui, je vous fais mes excuses, Madame, répéta-t-il ahuri de sa propre audace, je ne suis qu’un idiot, décidément. Je marche sur votre