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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/200

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chapelet d’horreurs, il y en avait de si extravagantes que je m’en bouchais les oreilles, surtout depuis que je comprenais mieux. Il faut te dire que Ninaude, c’était ma dernière famille. On l’avait amenée de la Martinique, et, dans le couvent de Paris, elle me soignait, car maman avait laissé une grosso somme en mourant pour qu’on m’élevât bien. Les bonnes religieuses nous laissaient crever de faim, seulement nous avions chacune notre femme de chambre. La mienne, Ninaude qu’on surnommait Café, nous empêchait de dormir debout aux grandes prières à cause de son étrange dévotion. Figure-toi qu’elle se roulait par terre d’amour en Dieu, elle criait, à propos de tout : C’est ma très grande faute ! Je lui avais expliqué que les religieuses la voyaient d’un mauvais œil et qu’on pourrait bien finir par me priver d’une femme de chambre qui sentait le fétichisme (singulière odeur ; mélange de musc, de sueur, d’huile de coco et de tafia !). Pleine d’une ferveur extraordinaire, Café-Ninaude implorait la sainte Vierge en poussant des cris d’oie sauvage et roulait des yeux blancs en mêlant tous les noms du calendrier qu’elle estropiait à son aise, une salade où le démon n’aurait jamais pu reconnaître ses cornes ! Il y avait surtout un saint Firousse ou Frigousse que nous ne pouvions pas admettre