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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/217

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— Oh ! Éliante, fit Léon, sanglotant dans ses poings fermés et allant se jeter sur son lit. Oh ! Éliante, qu’êtes-vous venue faire ici, mon Dieu ! C’est donc vrai, dites, que vous avez quarante ans ? Je vous aime tant, moi, malgré tout.

La comédienne, ou la femme, comprit qu’elle avait trop bien joué son rôle pour le guérir ou se guérir, et que cette fois la partie était perdue pour elle.

L’âge d’une créature comme Éliante importait peu, en réalité, mais ce qui devait compter éternellement, c’étaient les apparences qu’il lui plaisait de prendre.

Elle resta immobile, droite, grave, sans un mouvement d’amour, elle, la grande amoureuse, qui regardait pleurer d’amour. Pas un muscle de sa sévère physionomie ne bougea, et ses yeux s’éteignirent.

Elle était l’expérience, elle savait que dans le costume de ce rôle-là elle ne pouvait rien pour lui ni pour elle, qu’elle serait ridicule. Et ce fut peut-être le plus beau sacrifice qu’elle offrit au jeune homme, cette indifférence affectée, car le désespoir de Léon pouvait se changer en révolte et amener l’irréparable raillerie.

Ce qu’elle voulait, avant tout, c’était le fuir.