Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/223

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— Mais, la vérité. Je dis toujours la vérité, même en jonglant pour les petits enfants qui sont des hommes quelquefois ! Je ne crois pas à la haine. Je me sens capable de cruautés intelligentes, j’ignore les méchancetés bêtes ou mesquines ; alors je marche tranquillement sur des lames de poignard, c’est mon métier. Tu m’as traitée de saltimbanque, un jour, parce que je savais danser un pas espagnol selon les rites consacrés, aujourd’hui tu déclares que j’ai quarante ans, et tu ajoutes des choses qu’on a eu la délicatesse de ne pas me répéter, heureusement. Il m’a fallu constater le délit. Et, ce qui est plus grave pour toi, pour moi, ce jeune homme ne t’aime pas, Missie. Il ne t’aimera peut-être jamais.

Missie était debout, perplexe. L’institutrice, forte de sa nouvelle science de fille libre, cherchait un exposé de théories où la fameuse lutte pour l’existence pût reprendre le dessus. Ce fut le trottin qui triompha. Elle ne se rappela plus que le beau jeune homme dont les allures discrètes l’avaient conquise. Elle oublia toute philosophie, tout esprit de révolte contre la loi du plus fort et, spontanément repentante, elle se jeta aux pieds de Mme Donalger, en sanglotant pour de bon.

— Oh ! Éliante, pardonne-moi, cria-t-elle