Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/224

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d’un ton brisé, pardonne-moi ! je ne savais pas le mal que je faisais ! je croyais qu’il t’aimait ou que tu l’aimais ! Alors, je suis devenue folle de jalousie, et, le champagne aidant, j’ai dit des choses ridicules. Tu comprends : je sais bien que je te gêne et que tu ne me dois rien, pas même l’hospitalité, et c’est cette idée de mariage qui me détraque. J’ai de mauvais rêves toutes les nuits ! Ne me dis pas qu’il ne reviendra plus, celui-là, que je ne le reverrai plus… pour celui-là j’en mourrais de chagrin. Je sais bien que tu ne songes pas à te remarier, mais ils songent, eux, à le demander en mariage et, dans la vie, c’est la règle, il faut être dupe ou réussir. Non, Léon Reille ne m’avait pas promis de m’épouser, il m’avait dit, simplement. que, s’il me plaisait, il considérait ça comme un honneur. Moi, n’est-ce pas, j’ai pensé qu’il me préférait ou qu’il me faisait la cour. Il m’a bien réellement serré le bras très fort, et il me souriait en se penchant à mon oreille pour me dire que le blanc m’allait mieux qu’aux autres jeunes filles, parce que j’avais le teint chaud. Enfin, depuis qu’il nous a quittés, je le vois toujours : ses yeux, sa bouche, sa manière de rire, un peu en dedans de lui, et ce grand air de réserve qu’il a, je pensais : Il est pauvre, tant pis ! Nous travail-