Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/236

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d’être la fille d’un marquis, et, rends-moi cette justice, je ne t’en avais jamais parlé pour ne pas te faire peur.

— Et tu as bien agi, Madame, car je n’aurais jamais remis les pieds chez toi. Seulement, ça se sentait ! Tu aimes trop les aventures et… les vieilles races ne peuvent que mal finir.

— Manant ! cria Éliante, les prunelles en feu.

— Là ! fit Léon Reille dont les oreilles s’incendièrent à leur tour. Ça commence ! Un échantillon du lendemain de nos noces ! (Il se croisa les bras en étudiant frondeur, très marquis du côté de Voltaire, parce que les bourgeois de province lisent encore Voltaire.) Et moi qui allais la demander en mariage pour arranger les choses ! Oui, une fière sottise ! j’ai vingt-trois ans, l’âme tendre, pas de position sociale avouable et… j’épouserais une fille des de Massoubre ? Est-ce qu’il a fait la traite des noirs, ton papa, ma belle amie, que tu tiennes absolument à m’acheter comme esclave, tantôt pour m’appareiller à un trottin, tantôt pour t’offrir ma peau légitimement ? Oui, je suis un rustre, oui, je suis féroce, mais c’est ta faute, j’ai souffert hier pour toute une vie d’enfer, entends-tu ? À ton tour, c’est la loi. Nous sommes seuls ici, bien seuls, n’est-ce pas ? Tu ne m’auras qu’illégitimement