Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/260

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souverain de la croire éternelle ! Moi aussi, Léon, je t’adore !

Autour d’eux, il y eut un bruit sourd, des piétinements, une sorte de troupeau qui allait à l’abreuvoir ou en revenait. Léon, transporté dans un rêve douloureux, ne s’occupait plus de la situation bizarre qu’il occupait par rapport au reste de la société. L’ombre chaude qui les enveloppait, c’était le rideau de mystère tiré sur le monde. On apercevait le petit fantoche vêtu d’or dans la bande claire passant devant la loge. Qu’était-ce donc, cela ? Il criait des mots à double sens. Il voulait tuer des femmes, qui se plaignaient d’une voix dolente, comme en chantonnant des refrains.

La romance du saule.

Elles sp sont toujours plaintes, les grandes passionnées, d’un mal étrange, et, coupables ou innocentes, elles n’ont jamais pu résister au désir ténébreux de s’inventer un désespoir avant même d’avoir touché le fond de leurs propres douleurs. C’est elles qui ont, par-dessus tout, le tourment de la fin qu’elles ignorent, sans s’apercevoir du présent qu’elles pourraient préserver. La Desdémone, si douce, chantera toujours plaintivement au lieu de se défendre. La fatalité, c’est la religion des grandes amoureuses.