Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/265

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Éliante demeura une minute muette sous ses yeux fous.

— Mon Dieu, bégaya-t-elle, c’est donc cela leur amour à eux… ils peuvent donc coucher avec les filles de chambre tout en aimant la maîtresse ?

Et il vit qu’elle essuyait furtivement sa joue.

— Pardonne-moi… Je suis un peu ivre… Je n’ai pas la notion très exacte des distances en effet. Ton cocher est très bien… c’est tout ce que je voulais te dire. Toi, tu me dois l’histoire des opales… raconte-la-moi. Les contes endorment les enfants de mauvaise humeur. Je te jure que je plaisantais.

Ils gagnèrent les quais. Le dernier roulement des voitures s’éteignit, ils longeaient le grand fleuve silencieux et clair, charriant des reflets de lune, les arbres, au-dessus d’eux, n’ayant encore poussé que leurs premiers bourgeons du printemps, balançaient des étoiles au bout de leurs brindilles comme des fleurs nouvellement épanouies, et le goût de l’air était exquis, avait la saveur d’une eau tiède parfumée d’une vague odeur de femme, le bain qui baignait, pour tous les couples épars, la beauté de la nuit.

Peu à peu Léon se rassérénait, pressait davantage ce petit bras rond sous son bras plus ferme.