Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/282

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Missie sautait au cou de la grande fille blonde. Celle-ci ôtait son chapeau, son manteau, et apparaissait artistiquement vêtue d’une robe de laine brune, une sorte de costume religieux d’une grâce austère, faisant ressortir les bandeaux à la vierge et le nez aquilin… oui, un peu long, mais joliment dessiné, de la virtuose.

Et les trois femmes, précédant le jeune homme, entrèrent dans le temple.

La haute chambre était éclairée par ses trois fenêtres ovales toutes rutilantes de soleil ; les trois topazes ruisselaient de feux magnifiques sans aucune indication de paysage et baignaient d’une lumière chaude tous les meubles sombres ; Léon reconnut, à la place de l’Éros antique, ses roses du matin, trempant dans une colossale coupe de verre vénitien, de la nuance des opales. Au-dessus du pouf de cygne, les fleurs de toutes couleurs s’enchevêtraient, se mêlaient, se révoltaient, petits boutons ou grosses roses épanouies, comme des amours dans un nid, et il en débordait sur la fourrure blanche, il en tombait partout. Des pétales volaient de tous les côtés, mais cette cascade claire et embaumée ne pouvait lutter contre la violence du parfum de la chambre mystérieuse. Cela sentait le vétiver, aussi le fruit des îles… et plus haut, sous la voûte de ténèbres, régnait cette inexplicable