Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/283

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odeur d’huile nègre, dont parlait quelquefois Mme Donalger, une odeur de fauve.

Endormis profondément, les lions, les tigres, les panthères présentaient toujours leurs têtes redoutables au centre des panneaux de draps d’or et toujours le grand lit singulier, en forme d’œuf, tout pâle sous les soies de Brousse bleue paon, semblait protégé par eux comme l’œuf du monde, le germe de tout amour.

Les trois femmes se mirent à jaser doucement.

— Vous avez caché le piano là ! C’est bien de vous ! Pauvre piano ! vous le traitez dédaigneusement, Madame, disait Mlle Louise Fréhel en ouvrant un clavier au milieu d’une petite oasis de palmes vertes.

Et le monstre-piano exhiba ses dents blanches, brutalement. Il eut l’air du nègre géant qui sentait ainsi l’huile rance, bâillait.

— Oh ! ma tante, nos pommes d’Anam ! Elles sont bien trop fondantes ! déclara Missie, s’occupant d’une jolie table de laque à plusieurs étages, tout encombrée de mets spéciaux et délicats.

— Eh bien, il faut les serrer dans la sorbetière, répondit Mme Donalger, très effrayée à la seule idée que cela ne serait pas mangeable.

Et les deux femmes, pendant un tendre prélude de valse, s’agenouillèrent devant un seau