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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/290

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Léon regardait Éliante. Elle ne riait pas. Une souffrance infinie crispait parfois son beau visage, le décomposait en masque tragique, elle paraissait une minute absente, dans un tout autre monde, puis elle se penchait sur ses convives, découpait les gâteaux, servait les crèmes et leur épluchait des fruits. Avait-elle donc donné tout son amour la veille et ne lui en restait-il plus pour frémir d’impatience avec lui ?

Après la collation, des domestiques emportèrent la table et, furtivement, rapportèrent deux vastes caisses. Une curiosité enflammait Léon et les jeunes filles. C’étaient les costumes orientaux.

Les grandes caisses en bois de camphre, cloutées de cuivre, semblaient avoir traversé les mers bien souvent… L’une d’elles, moisie, ses clous rouillés, gardait une espèce d’humidité comme sortant d’un naufrage.

Éliante ouvrit les caisses et les jeunes filles poussèrent des cris d’admiration, pendant que le jeune homme, avec une maladroite satisfaction d’animal qui ravage, tirait à lui des velours, des soies, des lainages bariolés lamés d’or et d’argent, des verroteries, des franges, des parures de coquillages ou de dents humaines. Tout cela, les colliers naïfs, les écharpes un peu crasseuses, les coiffures à sequins et les voiles de gaze