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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/299

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normale, tendant leurs petits bouts durs avec l’aspect farouche de deux reliefs de cuirasse.

Fardée d’une manière canaille, cette femme, dont le corps pouvait appartenir à une jeune fille, avait un visage étrangement beau et vieux. Les yeux noircis de koheul étaient trop grands, trop sombres, faisant une ombre sur tout le reste, et la bouche, sabrée de rouge, évoquait une sensation de douleur comme on peut en éprouver devant une opération chirurgicale. Les cheveux noirs, retenus par un peigne à galerie en écaille, se fleurissaient d’un seul œillet rouge fixé au-dessus de l’oreille, posant là comme le rappel de cette bouche vermillonnée, l’apposition d’un récent baiser couleur de sang. La danseuse, dont les petits bras nus, des bras d’enfant, se tendaient, dont les mains se crispaient nerveusement sur des castagnettes, se pencha, lentement, et sa jambe frêle, ses pieds minuscules chaussés de soie noire, eurent une espèce de frisson, une ondulation de la peau, ressemblant au premier tremblement de la fièvre.

Missie était venue s’asseoir par terre à côté de Léon ; elle arrangeait les plis de sa culotte turque, les paupières baissées.

— Vous ne la reconnaissez pas ? souffla-t-elle en tirant le jeune homme par la manche.