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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/31

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je ne me moque jamais de ceux qu’un dieu daigne conduire. Je n’oserais pas.

— Le dieu… est-ce vous ?

— Je ne suis qu’une femme, rien de plus… rien de moins, ajouta-t-elle avec une douce fierté.

— Bon ! Le temple ?

Elle ne répondit pas, toujours grave.

Il baissa le front, se mordant les lèvres, regrettant sa réponse et vexé de ne pas découvrir quelque chose de plus spirituel ou de plus direct.

Autour de lui le silence profond, l’atmosphère tiède engourdissaient la pensée. On avait la sensation de s’enfoncer dans un duvet. Les cristaux lançaient de tremblants rayons lunaires, l’argenterie, légère aux doigts, tintait discrètement sur les porcelaines de couleurs tendres ne réveillant que l’appétit, et quand il buvait, le parfum du vin lui donnait l’illusion de mâcher des fleurs.

Il s’attendrit.

— Je vous crois bonne. Vous m’avez d’abord effrayé. Maintenant je n’ai peur… que de votre robe. Vous devriez la poser, elle est trop noire.

— Je ne pose jamais ma robe, Monsieur.

— Vous couchez avec ?

Dédaigneusement elle lui offrit des deux crèmes : l’une verte, l’autre rose.