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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/30

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parent rideau tiré sur des passions sommeillant en lui, tout au fond. Il portait mal son habit noir et ne savait pas exécuter proprement le morceau difficile du nœud de cravate.

Un instant, au dessert, les pieds du jeune homme frôlèrent ceux de Mme Donalger.

Il les retira, embarrassé, car il se savait plein de boue.

— Ce que vous devez me trouver vulgaire ? murmura-t-il.

— Non, je vous trouve nature, ce qui m’étonne, par le temps de jeunes gens falsifiés qui court. Et c’est pour cela que vous êtes ici.

— Je comprends bien. Vous me croyez naïf ?

Elle l’examina un moment. Ses yeux noirs s’illuminèrent d’une des flammes d’or de la tulipe. Elle s’accouda sur la nappe, sa joue posée dans sa paume. Elle réfléchissait, conservant une mine grave. Quand elle riait elle avait une extraordinaire figure de petite fille. Quand elle redevenait sérieuse, elle prenait un masque tragique.

— Je vous vois, dit-elle enfin, tel que vous serez, sinon tel que vous êtes, cher Monsieur. Vous essayez vainement de résister au dieu qui vous mène ; seulement le dieu est plus fort que vous, et il vous jouera de méchants tours. Non,