Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/35

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depuis trois mois, tantôt à travers les salons où je n’ai que faire et où je m’ennuie à hurler, tantôt dans la rue, quand vous sortez à pied… c’est-à-dire pas souvent. J’ai caché mon jeu honnêtement, j’ai essayé de causer ce soir, après ma présentation solennelle au buffet, là-bas. Je n’ai rien à vous raconter, mondainement parlant. Je ne sais guère mentir… et je crois vous valoir. Donnez-moi ce que je désire, et flanquez-moi ensuite à la porte, ça me sera bien égal. Je ne reviendrai probablement pas. Mais ne m’altérez pas davantage avec vos jolis petits systèmes. Vous finiriez par me faire boire du verre pilé. Merci ! je n’ai pas l’esprit chinois, et ce genre de torture m’agace inutilement. Je vous préviens que je ne suis pas un petit monsieur aimable. Je ne vous demande pas si vous m’aimez. Ne me confiez pas votre cœur, souffrant ou bien portant, belle Madame orgueilleuse, malgré la politesse, je l’oublierais entre les feuillets de mes livres de médecine, je l’y écraserais. J’ai de la haine contre toutes les femmes, car je les devine méchantes. Trop heureux, n’est-ce pas quand on en rencontre une qui n’est pas sotte ! Vous me plaisez, je vous plais… donc pourquoi ces grimaces ? Vous m’avez levé sur le trottoir dans le sens le plus absolu du mot… oui, Madame, comme une fille lève un miché. Que