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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/41

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curité, durant des siècles ! Il ne les racontera pas, mais il sait… ce charmant corps où la vie a été remplacée par du parfum, du vin… ou du sang ! On m’a dit que dans certains vieux temples on avait trouvé de ces vases énormes encore remplis d’une liqueur épaisse, gluante, qui, dès qu’on les avait descellés, s’était répandue on affreuse puanteur… — Après tout, on y avait peut-être seulement fait confire des olives ! — Je l’ai acheté bien peu cher, en comparaison de sa beauté unique. Il est à moi. Je lui ait fait bâtir cette petite chapelle trop moderne. Rien ne lui rappelle ici qu’il fut autre chose qu’une statue… je le regrette. J’aurais voulu l’entourer d’objets sacrés. Je le veux à l’abri des regards du soleil, je lui tamise le jour pour qu’il puisse rêver dans l’ombre et le silence à sa joie hermétique. Comprenez-vous, je l’aime ! (Elle pencha le front en-dessus du col ouvert, et, en le respirant de toutes ses forces, elle parut, tout à coup, devenir la tête vivante de ce corps insensible.) J’y verse des essences rares, des feuilles de roses, j’y ai jeté une bague. Quelquefois je m’amuse à le parer de mes diamants ou à le cercler d’une chaîne de violettes fraîches… et je l’embrasse, je le crois heureux. Peut-être est-il offensé ? Comprenez-vous ce que je veux vous dire ?