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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/52

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torrent d’injures, m’entendre traiter comme l’animal des caravanes qui transportait, jadis, à travers les immensités du désert, le plus bel ornement de votre salon, Madame. Et cela me rendit vraiment furieux : je n’ai pas la patience des gardiens du sérail où l’on déniche, pour le régal de vos beaux yeux, la sacrée carafe d’amour qui vous désaltère. Après avoir laissé passer tous les chameaux, j’ai fini par envoyer une chiquenaude dans le bourrelet d’albâtre de ma jeune amie de quarante-huit heures, et elle daigna riposter par une gifle capable de flanquer un dromadaire sur les genoux. Ça m’a fait très mal. J’ai gardé la caravane, mais j’ai rendu la gifle. Une bataille en règle, ô Madame et cher professeur ! Des meubles brisés, mon Dieulafoy déchiré, gros livre fort utile, et un jupon de dentelles… (valenciennes fausses) réduit en charpie ! Vous avouerez, que c’est bien du bruit pour un seul nom et quel nom ? (S’il ne date pas de 1830, celui-là !) J’ai dû me séparer de ma cruche personnelle ; car il était impossible d’y verser autre chose que des louis ; tant pour les vraies larmes, tant pour les valenciennes fausses et tant pour les chiquenaudes, égratignures, ayant pu détériorer le petit pot à tabac de mes songes. Je ne garde que les dromadaires comme fiche de consolation. C’est maigre.