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Page:Rachilde - La Jongleuse, 1900.djvu/90

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ment, moi qui suis l’élue, à recevoir mon dieu… Je n’ai pas besoin d’elle. Mon dieu n’aime pas les filles de ce genre, il lui faut des prêtresses qui n’aient jamais vu que lui… Moi, je ne sais pas du tout feuilleter les livres de la médecine moderne, j’ai feuilleté des hommes… Je vous le répète : Missie est innocente, elle passe son temps à se vieillir par l’étude et à se rajeunir par une gaminerie affectée, qui la vieillit bien davantage. Elle a eu un petit chagrin : un monsieur, absolument quelconque, ayant reçu la permission de lui faire la cour, a fini par me demander en mariage. Elle ne l’aimait pas, mais, le jour où j’ai mis ce monsieur à la porte, elle a pleuré. À partir de ce jour funeste où une vierge entr’aperçoit que l’amour est peut-être une science qu’il faut connaître avant toutes les sciences, et qu’il ne suffit pas d’être jeune pour plaire, elle est devenue comédienne gauchement, hélas ! elle m’imite. Et elle devient, chose atroce pour une jeune fille, la caricature d’une vieille femme. Or, elle n’est pas plus jalouse de moi que je ne puis être jalouse d’elle, mais elle a le petit frisson, bien naturel, de perdre tout… ce dont je disposerai toujours avant elle.

Je ne serais pas la grande criminelle que je suis si je n’étais absolument loyale. Je vous propose donc d’épouser Missie. Je lui donnerai,