Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/174

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La franc-comtoise, point méchante, avait le vin tendre, elle tira Mary des mains fiévreuses de la cuisinière et elles gagnèrent la chambre de Célestin.

Le petit dormait profondément dans son berceau. La nourrice referma la porte et s’affala sur une chaise.

Mary effarée se demandait ce qui allait encore lui tomber sur les épaules.

— Entends-les se disputer ! fit la lourde paysanne avec un rire hoquetant, et elles me criaient tout à l’heure que j’avais bu !… si c’est permis, hein ! ma pauvre petiote ?… quelle existence !…

Elle se mit à fredonner sa chanson habituelle.

Estelle injuriait la cousine Tulotte qui ripostait par des confidences très dignes sur la famille des Barbe et le 8e hussards. Du reste, elle ne voulait point de fleur d’orange, Tulotte, ni de lait de poule. Est-ce qu’on la prenait pour une femmelette, un chiffon comme défunte sa belle-sœur ? Elle boirait seulement un petit verre de rhum chaud qui lui donnerait du nerf. Estelle attrapa un pot à eau et l’on entendit comme un glougloutement mystérieux. La cuisinière inondait le corsage décolleté de l’institutrice. Alors il y eut une véritable scène de meurtre avec des coups de poings lancés sur les murailles et des jurons de soldat.

— Sainte mère de Jésus, marmottait tranquillement la nourrice, pouvant à peine se déshabiller, on dirait que mes jupes sont de pierre !… aide-moi donc, Mary !

Le bébé se réveilla au bruit d’à côté ; le poêle était