Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/211

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— Quoi, mes mignons, on a du chagrin ? fit Daniel Barbe.

— Ils sont en deuil de leur père, balbutia une des dames, la plus hardie, et les autres poussaient du coude le gros négociant suffoqué, lui marchaient sur les pieds.

— Oui, répéta-t-il, enfin, de leur père… mort tué en duel, il y a quelque temps et pour que ce soit convenable, nous les cachons là… Notre amie ne peut plus faire la fête chez elle… Hélas ! je la leur montre, moi !…

Le colonel reçut un coup au cœur ; lui qui se baissait déjà pour les caresser, ces deux petits mâles, il se recula, les moustaches tremblantes. Les dames le regardaient toujours, d’apparence très humbles, cependant effrayantes à présent qu’on les avait comprises. Quelle épée pouvait lutter contre la clarté lumineuse de ces regards de mère allant droit au point faible !

Le colonel lâcha un juron, ses poings se fermèrent, puis se déclarant vaincu, ayant peur de pleurer, lui aussi, il alla chercher sa fille dans les rondes.

— Filons ! je suis touché ! dit-il à Mary, résumant la situation en une rageuse phrase de bretteur.

Mary ne voulut pas ; c’était bête de partir juste au moment de la distribution des joujoux. Le gros négociant retint la fillette sur le seuil du salon.

— Laissez-nous-la, mon colonel, dit-il, insistant sans se fâcher. C’est la fête de tous les enfants