Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/258

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M. Barbe s’inquiétait de l’avenir, seulement il n’avait plus le chagrin d’être un étranger pour ce morceau de son frère, il l’apprivoisait ainsi qu’on apprivoise les oiseaux rares en mettant une glace devant eux ; il lui disait qu’elle était une belle femme, prête à la maternité, prête au bonheur, et sans lui parler de l’homme futur, il s’attardait, un peu déridé, à lui détailler médicalement les joies d’une nourrice allaitant un bébé. Mary écoutait, le sourcil froncé, car elle détestait les enfants d’instinct et n’osait pas témoigner sa répulsion. Une fois elle lui demanda d’un ton très calme :

― Mon oncle, puisque vous m’apprenez tant de choses, qu’est-ce que l’Amour physique, le grand livre que je ne peux pas lire, celui qui m’expliquerait, selon vos propres aveux, tout ce que je ne saisis pas dans la science ?

Le médecin resta un instant étourdi. Diable !… Il aurait mieux aimé qu’elle le suppliât de la mener au théâtre. Il se moucha, caressa sa barbe, puis, ne trouvant rien, il leva la séance sous le plus petit prétexte.

L’oncle Célestin n’était pas un homme à faux préjugés, le lendemain il risqua une épreuve décisive ; il résolut d’aller chercher l’ennemi au lieu de l’attendre, et, posant le majestueux bouquin sur les genoux de sa nièce, il lui ordonna de lui faire tout haut la lecture de ses secrets.

Mary lut de sa voix brève et claire des pages assez brutales, mais valant mieux, de l’avis du doc-