Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/259

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teur, que les romans dédiés aux demoiselles dans les journaux de modes. Lorsque Mary ne saisissait pas, il lui expliquait, choisissant les termes techniques de préférence aux mots voluptueux, et bientôt cette vierge eut l’expérience d’une matrone. Ils discutèrent de ces choses des semaines entières, d’abord tranquillement, puis le docteur finit par s’animer : il s’emporta contre les jeunes hommes qui font de l’amour, physique ou platonique, le but de leur vie. Lui, il n’avait jamais ressenti ces ardeurs-là. À la vérité, il existait bien une seconde de plaisir, mais pour cette seconde que de malheurs et de sottises ensuite ! Du côté des femmes, toutes mentaient effrontément la plupart du temps. Les vertueuses concevaient des êtres sans le savoir ; les libertines erraient de passions en passions, dévorées de désirs, souvent d’ulcères épouvantables. Ah ! l’amour, une fière attrape, sacrebleu !

— Alors ! pourquoi dois-je me marier ? demanda Mary, dissimulant un sourire railleur au coin de sa lèvre dédaigneuse.

— Parce que c’est mon devoir de chercher ton bonheur où les autres croient le trouver. On n’a rien inventé de mieux pour le bonheur de l’homme.

— Et celui de la femme ? Je vois, mon oncle, que vous parlez toujours de l’homme ! ajouta Mary un peu boudeuse.

Cette fois-là, soit que l’atmosphère — on était au mois d’août — fût saturée d’électricité, soit que Mary répandît autour d’elle une véritable odeur de ré-