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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/101

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ignorons. Un milieu très riche, très libre, enfante des monstres si particuliers ! Nous autres, nous faisons ce qu’on nous fait faire. Eux, font ce qu’ils veulent. On va loin quand rien ne barre la route ! Et après la guerre, cette guerre, on en verra de toutes les couleurs. Ces gens de l’aristocratie ont retrouvé leur goût du sang et de la noce. Ils mêlent tout, se croient tout permis. J’ai un peu peur, moi.

— De quoi as-tu peur ?

Le jeune homme pencha le front comme accablé par une pensée qu’il n’osait traduire.

— Et s’il allait… jusqu’au bon motif ?

— C’est qu’il m’aimerait sincèrement !

— L’épouserais-tu ?

— Oui, peut-être.

— Tu vois… que tu l’aimes !

Ils cessèrent de causer, le cœur serré par deux sentiments qu’ils sentaient opposés l’un à l’autre et ne voulaient pas s’expliquer l’un à l’autre.

— Il faut aller nous coucher, Michel, dit résolument Marie. Nous avons veillé tard, hier, et je dois composer une illustration pour un gala, demain. Soyons raisonnables. Toute notre fortune, à nous, ne l’oublions jamais, est dans la régularité de notre travail.