Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/124

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Pontcroix, breton aussi, garçon fermé, aux yeux intelligents, peu causeur, contemplait la jeune femme avec la muette admiration d’un amateur de victimes. On lui avait dit de venir, il était venu, amenant le comte de la Serra, un Sud-Américain de la meilleure marque, d’une correction austère qui ne sentait pas du tout le rasta, lequel comte, en dehors des sports, ne connaissait pas grand’chose, et ne faisait pas une énorme différence entre les duchesses ou les demi-mondaines, tellement il avait appris à payer partout sous le précieux prétexte qu’il n’était pas Français.

Vêtue d’une robe de salin bleu, toute unie, la fiancée continuait à ne porter aucun bijou, sinon la bague de fiançailles reçue le matin même : un tragique rubis, énorme, dont les feux sanglants illuminaient sa main. Son frère, exaspéré secrètement, s’était pourtant amusé à se faire habiller chez le tailleur du marquis, et il l’imitait si bien, sous tous les rapports, qu’il semblait son double, très réellement le beau-frère, parce qu’il était joli garçon. Un félin plus caressant, plus souple ou plus affectueux, pas plus rassurant que son noble modèle, quand il s’irritait.

Il n’y avait pas de dames. Marie Faneau ne