Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/164

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futur beau-frère, il ordonna de le faire entrer.

Le salon, attenant à sa chambre à coucher, avait un aspect de bureau ministériel, d’un confortable sobre, destiné à produire une impression de gravité, sinon de froideur, vous maintenant à distance.

Le marquis, resté assis devant une table chargée de papiers, en veston de chambre fort simple, semblait un peu souffrant, l’œil fiévreux et les traits tirés, mais il fut immédiatement affable, quoique sans tendre la main. Presque aussi maître de lui que de coutume, il lui dit de sa voix sourde :

— Je vous attendais, Michel. J’étais bien sûr que vous viendriez me faire des excuses… de cet inconcevable moment d’oubli. Vous êtes si drôlement mal élevé, mon cher enfant !

— Je ne suis pas un enfant, monsieur, et je ne viens pas m’excuser, car, le moment d’oubli, ce n’est pas moi qui l’ai eu, avouez-le.

Cela débutait mal.

Yves se dressa, les yeux lumineux comme ceux d’un fauve qu’on réveille.

— Prenez garde, Michel. Souvenez-vous que vous ne pouvez être protégé contre moi que parce que vous êtes son frère.